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CARACTÈRES DE LA PAIX

de créatures ne fussent pas attachées au même boulet, avec un seul gouvernement, peut-être demain un seul chef, pour les dresser à briser leur chaîne.

Maintenant, regardez la carte de l’Europe nouvelle, si, au moment où ce livre tombera sous vos yeux, elle n’a pas été déchirée, bouleversée en plusieurs de ses parties. L’Allemagne est sérieusement rognée. Nous l’avons dit tout à l’heure, elle perd environ 100 000 ki­lomètres carrés, un cinquième de sa superficie. Mais où les perd-elle ? À l’Est surtout, sur sa frontière polonaise. L’Alsace-Lorraine, Eupen et Malmédy, la zone nord du Slesvig : légères amputations auprès de celles que l’Empire su­bit de l’autre côté. Au jeune et faible État po­lonais, il a dû rendre la Posnanie. Il est sous la menace de lui restituer la Haute-Silésie. Et Dantzig forme la sortie du couloir qui sépare désormais la Prusse orientale de la Prusse occidentale, comme au dix-huitième siècle, comme au temps où le royaume de Frédéric n’était qu’un « royaume de lisières », que Voltaire raillait. Les Alliés n’ont pas dissocié, ils n’ont même pas fédéralisé l’Allemagne. Ils ont dit qu’on ne revenait pas sur l’évolution de l’his­toire. Et ils y sont revenus sur un point. Quel point ! Kœnigsberg, la ville de Kant, la ville où le premier roi de Prusse s’était lui-même couronné. L’État prussien du temps jadis, si faible, si mal conformé, « trois enclumes que frappaient trois marteaux », n’avait eu de cesse que