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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

avoir tourné le problème allemand sous toutes ses faces, M. Millerand, n’ayant en main que le traité de Versailles, s’estimant lié par ce traité, en est venu, à la Conférence de Spa, à essayer de la collaboration et de la coopération avec cette trop grande Allemagne. Quelle que soit la différence qu’il y ait de la victoire à la défaite, c’est un peu la situation et l’état d’esprit de Thiers après 1871. Nul mieux que Thiers n’avait annoncé les difficultés et les mal­heurs qui résulteraient de l’unité allemande. Cette unité faite, il se sentit comme accablé. Il pensa que nous n’avions plus d’autre recours que de nous entendre avec cette puissante Allemagne et de collaborer avec elle. L’homme des discours prophétiques de 1865 et de 1866 ouvrait la voie à une politique qui devait s’épa­nouir un jour avec M. Joseph Caillaux. Pre­nons garde d’être encore placés sur ce chemin dangereux.

En 1919 comme en 1866, tout a dépendu des idées qui régnaient en France. Faut-il accuser seulement M. Wilson ? Lorsqu’il débarqua sur le continent européen, après l’armistice, le président rapportait chez nous les idées de Napoléon III, à peu près comme Ibsen nous avait ramené George Sand et Tolstoï Jean-Jacques Rousseau. Le succès fut du même ordre : M. Wilson trouvait un terrain préparé. Contre ses « idées napoléoniennes », les esprits étaient sans défense. Ils n’en avaient pas d’autres à opposer aux siennes et une paix générale,