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LES ALLEMANDS DÉBITEURS DES FRANÇAIS

protestataire. L’unité allemande comprenait des Français, des Polonais, des Danois, annexés par la force. De plus, l’Allemagne, jadis « Rép­ublique de princes », était devenue une monar­chie militaire. La France était une démocratie pacifique. Entre cette Allemagne et cette France ainsi constituées, il n’y avait ni proportion, ni équilibre, ni moyen de vivre autrement que sous le régime de la paix armée. Cette expé­rience a été courte relativement à la longueur des siècles. Elle a été concluante. L’Allemagne s’est chargée de la démonstration. Elle-même s’est ruée dans la guerre. L’état de choses que la France et l’Europe subissaient, l’Allemagne, qui en recueillait les bénéfices, a été la première à le rendre caduc.

Ce coup d’œil en arrière était indispensable pour éclairer l’avenir. Quelle que soit l’immensité des événements (et il ne peut y en avoir qui dépassent ceux de la guerre univer­selle), il existe toujours un lien entre la situation qui suit un bouleversement politique et celle qui l’a précédé. La continuité, loi banale de l’histoire et qui apparaît à travers les plus vastes révolu­tions, s’expliquerait par le seul fait que les hommes qui assistent aux plus grands changements ou qui les conduisent, ont vécu, ont formé leurs habitudes et leurs idées sous le régime antérieur. Les choses évoluent plus ou moins lente­ment, mais il est contraire à la nature qu’elles marchent par bonds. Les générations se pénètrent trop intimement, il y a, des vieillards aux