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LES ALLEMANDS DÉBITEURS DES FRANÇAIS

l’État allemand. Ce n’est pas tout. Des frontières nouvelles ont été dessinées, et ces frontières, auxquelles l’Allemagne se résignerait peut-être à l’Ouest, ce serait miracle qu’elle consentît bien longtemps à les regarder comme défini­tives du côté de l’Est. Là, ses conquêtes sur la Pologne lui ont été reprises, et la Prusse, qui conserve ailleurs l’assiette territoriale que Bis­marck lui avait donnée en 1866, est ramenée au point où elle se trouvait avant Frédéric II. Kœnigsberg, comme au dix-huitième siècle, est séparé de Berlin. C’est sur son flanc oriental que l’Allemagne a dû restituer le plus de ses biens mal acquis et c’est là qu’elle est encore la plus forte, en face de pays jeunes et à peine formés, à l’endroit où les grandes nations occi­dentales n’ont pas sur elle de prise directe. La vieille Prusse est coupée en deux, comme au temps où l’Empire germanique était au régime de la Kleinstaaterei, du particularisme et des petits États. Même alors, la Prusse n’avait eu de cesse que ses deux tronçons fussent réunis. Aujourd’hui, la Kleinstaaterei n’existe plus, et ce n’est plus seulement l’État prussien, c’est toute l’Allemagne, concentrée dans ses autres parties, qui aspirera naturellement à rétablir la soudure entre les deux Prusses. Par là un appel est lancé à l’avenir, aurait dit Frédéric. C’est, à notre sens, un des plus gros vices de la paix. Pour ressusciter la Pologne, il fallait tail­ler à même l’Allemagne. Mais, pour que la Po­logne, et par conséquent tout l’édifice européen