Page:Baju - L’Anarchie littéraire, 1892.djvu/8

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qu’il s’agissait de coordonner les théories de ses différents écrivains, on sentait qu’une dislocation était inévitable. Un moment je crus lui donner la cohésion qui lui manquait en essayant de faire converger toutes ses idées vers un but social.

Voici comment je me suis expliqué là-dessus dans L’Événement du 13 avril 1891 :


« En fondant un journal que je mettais à la disposition des Jeunes, je ne voulais pas remorquer exclusivement une littérature. Je n’ai jamais considéré la langue que comme le véhicule de l’Idée, comme un instrument qu’il faut vouloir perfectionné, mais qui ne peut avoir, provisoirement, d’autre importance que celle des choses secondaires. Ce que j’ai eu surtout en vue, ç’a été de servir la cause du progrès, de la science, c’est-à-dire la Révolution.

« Je savais qu’à défaut de sentiments socialistes, tous les hommes de notre génération avaient au plus haut degré le désir du nouveau, la soif de l’inconnu. La plupart affichaient crânement leur mépris de nos préjugés, de notre morale et même de nos institutions. Chez quelques-uns, il est vrai, l’antagonisme n’était qu’apparent, simple amour du paradoxe, besoin effréné de faire parler de soi par des dires étranges. Mais cet état d’esprit existait : si tous ne détestaient pas sincèrement notre société bourgeoise, chacun la harcelait de ses violentes diatribes, chacun avait une vague intuition de quelque chose de mieux.

« Ce sont ces tendances combattives que je voulus diriger vers un but unique : la lutte contre l’argyrocratie.

« Le nombre de mes collaborateurs, la variété de leurs