Page:Baju - Principes du socialisme, 1895.djvu/34

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milieu social dans lequel j’ai vécu. Ce que je dis, on me l’a suggéré. Mon idée, quelque personnelle qu’elle apparaisse à quelques-uns, n’est qu’une conséquence, une somme d’unités idéiques, une synthèse d’idées communes à tout le monde. Il n’y a pas de propriété rigoureusement individuelle, pas même une épingle : tout est l’œuvre commune et appartient à tous.

C’est la théorie de l’unité du moi qui rend le droit de propriété en apparence légitime. En effet, si nous supposons notre moi distinct, indépendant de tous les autres et toujours identique à lui-même, nous concluons à son autonomie et lui reconnaissons des facultés créatrices. Par suite nous nous assimilons les objets qui ont subi une modification sous l’influence de notre volonté ; nous les considérons comme des attributions, des extensions ou des manières d’être de notre individu. Or, notre moi n’est pas un, il est complexe, c’est-à-dire formé par une multitude de moi antérieurs et contemporains.

Pour détruire l’idée de propriété, c’est toute une philosophie qu’il faut saper par la base. Il n’y a pas de moi au sens que l’on donne à ce mot. Tous les êtres se mêlent, se confondent, se transforment éternellement sous l’action ininterrompue de la Vie ; il ne peut y avoir entre eux de limites ou de solution de continuité. À quelque degré de désagrégation qu’ils puissent arriver et sous quelque forme qu’ils se reconstituent, animal, plante, minéral, ils ne cessent point de vivre. C’est toujours le même souffle vital qui circule dans la nature et tout ce qui existe fait partie intégrante de l’âme universelle.