Vers douze, treize ans, il n’est pas rare qu’en lisant sur une plage de vacances les Provinciales ou Atala on se considère avec le grand respect dû aux êtres qui « pensent ». On est intellectuel et fier de l’être. On ne se sent pas n’importe qui si l’on goûte Pascal et nourrit ses soirées de Chateaubriand (Günter Grass ou Marguerite Duras si l’on est « moderne » ). Vertigineuse ivresse de se montrer supérieur aux petits frères et sœurs, voire à papa et à maman, au livreur, à la boulangère. Tu aurais l’âge de ces émois ; sans doute es-tu bien privée de si délicates jouissances.
Ce sentiment de supériorité du jeune adolescent s’émerveillant de lui et de son regard sur le monde, c’est celui, identique, qu’on retrouve chez la plupart des enseignants. Ce n’est pas qu’ils soient forcément plus niais que la plupart des mortels, mais on les a soigneusement entretenus dans cette idée assez ridicule qu’ils sont utiles à l’humanité parce que dépositaires et dispensateurs du savoir (quelques-uns n’hésiteraient pas même à parler de culture !).
Ils font un métier ingrat, je n’en doute pas. D’où la nécessité de quelques compensations : aux clercs on doit le respect. Eux-mêmes se tiennent en immense estime : le « corps professoral » est atteint d’un narcissisme adolescent : il s’aime, il se plaint, il se critique, il se pardonne.
Il y a quelques enseignants qui ne sont pas visés dans ce chapitre. Soit qu’une passion incompréhensible et folle comme toute passion les