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qu’à plus forte raison il ne comprendra jamais rien d’autre », que le même, à l’issue de l’entretien, dise devant moi sur un ton plaintif : « Je suis ici pour gagner ma croûte, pas par pédophilie », alors que Véronique lui demandait si son métier d’instituteur lui procurait quelque plaisir.

Assurément, il y a peu de gens qui travailleraient dans leur métier s’ils n’y étaient pas obligés, mais as-tu déjà entendu des charcutiers, des architectes, des facteurs, des mineurs, des pharmaciens se lamenter en un si beau chorus sur les servitudes de leur profession ? Je trouve aussi que vivre avec des êtres condamnés à rester toute leur jeunesse enfermés est un enfer, mais que les maîtres cessent une fois pour toute de parler de leur « dévouement bafoué »…

Ils « se donnent un mal fou » pour séduire des jeunes qui ne veulent rien savoir. La « pédagogie de l’éveil » consiste, dès qu’un enfant s’intéresse à quelque chose, à faire de sa découverte un horrible « objet d’apprentissage scolaire », à détourner son action au profit d’une activité. Les porcs…

Comment pourraient-ils d’ailleurs démythifier ces techniques, eux qui sont les plus soumis des hommes aux préjugés du siècle ! Car c’est à eux, les professionnels (par opposition aux parents qui ne resteront toujours que des amateurs), qu’est confié le soin sacré de transmettre les idées préconçues, tout ce qu’il faut savoir pour perpétuer la vie en société telle que nous la connaissons. Très peu pour nous. Pourquoi vivre dans le malheur sous prétexte qu’on nous a toujours appris qu’il fallait « en passer par là » ? « En passer par là », c’est-à-dire par les rapports entre les gens, au monde, à la connaissance, par tout ce qui est faisandé.

Loin de moi l’idée militante d’assurer que les maîtres qui font la cuisine ont tort. Ce n’est, vraiment, qu’une question de goût. Mais il m’est difficile, sous prétexte qu’on a fui cette valetaille qui porte avec tant de fatuité la livrée de sa société, d’ignorer par discrétion ses dégâts magistraux.

On ne peut manquer en tout cas de rappeler qu’ils sont directement responsables du massacre des intelligences. Je ne crois pas que l’abrutissement général soit congénital. « C’est la faute des médias. » Bien sûr, et les profs en sont les employés au même titre que les journalistes. Ils font d’ailleurs rigoureusement le même boulot : ils forment en informant, ils transmettent ce qu’on doit retenir. Pareillement un chanteur serine des paroles et musiques au goût du jour. Mais ce qui est plus grave, chez les enseignants, c’est qu’ils se montrent d’une inconscience qu’on n’a pas souvent dans le show-biz. Les professionnels de l’abêtissement qui se