Cela s’explique par leur recrutement (tu es bon en histoire ? tu seras prof d’histoire et de géographie par-dessus le marché ; tu es bon en gym ? etc. — ne parlons même pas des écoles normales d’instituteurs qui sont bien souvent la dernière chance de ne pas finir vendeur de grand magasin ou fille de salle), par le fait épouvantable qu’ils restent à l’école toute leur vie et que ça rendrait névrosé n’importe qui, enfin parce qu’ils sont, pour la plupart, fonctionnaires et que leur fonction est d’entretenir un mensonge dégueulasse sur la « transmission » complètement mystificatrice du savoir à de prétendus « futurs adultes ».
On leur reproche principalement de manquer de culture et de ne pas comprendre les enfants. Mais comment en serait-il autrement ? Leur culture n’est que scolaire, c’est-à-dire pratiquement nulle. On peut encore s’estimer heureux si la matière qu’un professeur enseigne l’intéresse assez pour lui avoir donné quelque curiosité en ce domaine. On ne va quand même pas, en plus, lui demander d’être un « honnête homme » et de se repérer dans la civilisation au sein de laquelle il vit. À quoi bon lire un auteur anglais quand on enseigne le russe ? Pourquoi aller voir telle exposition quand ce n’est pas au programme ? D’abord, ça ne compte pas pour les points d’avancement et l’inspecteur ne le demande pas.
Je n’ai pour ma part rien d’une femme cultivée ; je t’ai toujours dit que je ne savais rien et que je ne pouvais rien t’apprendre ; l’absence de culture n’est pas une tare ; ce qui est excessivement pénible, c’est d’entendre des gens incultes se dire les « gardiens de la culture ». Souvent, tu le sais, Marie, des amis qui ont des enfants, cherchant une oreille compatissante, m’apportent des corrections de professeurs ou encore des « résumés ». J’ai renoncé à faire un bêtisier. Bien d’autres que moi se sont livrés à ce triste jeu. Et qu’on ne s’avise pas de dire que la sélection devrait être plus rigoureuse. Il est notoire que, dans notre système, plus les études sont « difficiles » et plus les rescapés sont étroits d’esprit et bornés.
Quant au reproche de ne pas savoir établir de rapport avec un enfant, il va de soi que ne voir en quelqu’un qu’un « futur quelqu’un » ne peut qu’engendrer un horrible malaise : ajoutons à cela le rôle de « surveillance » sur lequel je ne reviens pas et qui ne peut que produire le mépris des deux côtés.
On se scandalise un peu trop vite de ce qu’une maîtresse morde un enfant de huit ans. Personnellement, je suis plutôt rassurée que puissent encore advenir des choses pareilles. Ce n’est pas cela qui me donne la chair de poule. Mais par exemple que tel maître de C.E.1 dise à Véronique que son fils « n’arrive pas à comprendre qu’à l’école il faut être sage et