Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/130

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comprendre les principes de fonctionnement des moindres objets que nous utilisons. La bataille lui semblait perdue pour nos vieux pays mais il lançait un appel au tiers monde pour qu’il n’accepte que du matériel simple que tous puissent construire, réparer.

Je crois en effet qu’il est essentiel pour nos intelligences que nous perdions l’habitude fatale de ne rien comprendre de ce qui nous entoure. Nous sommes fous de laisser tourner machines et machineries que nous ne savons pas contrôler. Pourquoi ferions-nous confiance aux « professionnels » ? Quelle garantie avons-nous de leur innocence ?

Tout être, enfant ou adulte, a besoin d’avoir un libre accès aux documents, aux méthodes et techniques d’apprentissage, aux personnes compétentes, dans tous les domaines. Nous ne prétendons pas ingurgiter les encyclopédies mais nous laisser imprégner par tout ce qui nous intéresse et rien de moins ; le monde nous appartient. Nous prenons le droit de regarder et contrôler ce qui s’y passe. C’EST NOTRE MONDE. Je veux pouvoir apprendre ce que je veux quand je veux.

Je n’ai pas peur de manquer de savoir. Le savoir est une futilité. Tu sais comme à la Barque la plupart des autres parents d’enfants déscolarisés tenaient aux « apprentissages de base », lecture et écriture, et combien j’ai lutté contre cette idée fixe. Oh bien sûr, ce n’était pas obligatoire, mais les adultes s’angoissaient tant que, comme par hasard, les mouflets « demandaient » à apprendre à lire à l’âge de six ans. On arguait de la nécessité de la lecture pour une instruction autodidacte… Tu parles ! Moi, je voyais simplement derrière cette peur inutile l’ombre des grands-parents ou des voisins affectueux ou perfides : « Alors, il sait lire, maintenant ? »

Timidement, quelques-uns tentaient d’affirmer que s’il existait un apprentissage primordial, c’était peut-être la musique… Personne ne les écoutait (moi non plus puisque je ne crois à aucun apprentissage primordial !). Oui, même là, même dans ces lieux anti-scolaires, j’ai côtoyé des gens étranglés par la hantise de passer à côté du savoir. Là et ailleurs, j’ai constaté à quel point il était mal vu d’être avec les mômes « sans rien leur proposer ». Il était admis que ceux-ci avaient le droit absolu de refuser toutes les activités et de jouer toute la journée, mais il fallait au moins leur avoir « proposé » quelque chose à faire. L’idéal aurait consisté à pouvoir leur présenter un éventail fantastique de possibilités. L’éventail, personnellement, je le voyais dans la vie. Nous étions un tout petit nombre à n’avoir en tête que le désir d’être bien avec des enfants sans jamais faire de projet pour eux.