Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/142

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et la télépathie » montre en tout cas qu’il se faisait de ce qu’on appelle l’inconscient une vision bien moins formaliste que celle de ses successeurs.

Se connaître soi-même n’est pas le but mais le chemin. Tant qu’on est vivant, les frontières reculent. Rien ne vaut davantage notre peine que d’approcher sans peur le noyau de notre ardeur. Peut-être que la vie n’a pas de sens, mais vivre sans chercher à réaliser son plus profond désir me semble en tout cas un contresens.

Comment pourrait-on se réfléchir alors que quelqu’un ne cesse quelque sept heures par jour de parler devant vous de n’importe quoi d’autre que de vous ?

À l’âge où l’on découvre avec passion comment se coule sa pensée dans une autre, comment elle se met en doute elle-même, se corrige, recherche ses alliées, rien n’est plus exaspérant que d’être constamment dérangé. (Heureusement, la méditation n’est pas utile aux programmes et nul ne l’enseigne ; on se contente — c’est un moindre mal — de l’empêcher.)

On ne peut que se féliciter de ce que les pédagogues aient tort en affirmant que les jeunes ont plus d’énergie pour apprendre et que tout vieillissement signifie usure de nos facultés intellectuelles… Le temps en effet supplée à cette déperdition réelle en apportant des possibilités toujours nouvelles d’interactions entre nous et ce qui n’est pas nous. Les fluctuations présentes ne s’ajoutent pas mais se multiplient par notre passé. Ainsi vieillir n’est qu’occasions de reprendre ce qui a eu lieu pour en extraire une signification présente. Libre à toi de rire de la manière dont je me console de ce qu’on perde ainsi à l’école sa jeunesse.

Cela dit, ça ne serait pas plus mal d’éviter le gaspillage de la pensée entre zéro et vingt ans. Notre cerveau contient six milliards de cellules nerveuses. Chacune d’elles peut se relier à vingt-cinq mille autres. Le nombre des interconnexions possibles a de quoi faire vaciller l’esprit… Nous soupçonnons avec bonheur l’existence de formes de la pensée que nous ne connaissons pas. Apprendre et se souvenir sont bien autre chose que ce qu’en disent les mécanistes.

Je prends quand ça me convient les drogues qui m’enchantent. Jusqu’ici tu n’as pas encore désiré t’en approcher. Peut-être que cela te sera inutile. À peu près une fois par an, je m’offre la voie luxueuse. Tu es témoin de tout ce que j’en ai tiré. À l’heure actuelle, ce mode de connaissance est volé à la crapulerie des pouvoirs en place. Il est