Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/153

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qui veulent s’occuper d’enfants « deviendraient rapidement des policiers et des bureaucrates ».

J’ai bien envie de parler de Korczak. Sa beauté, à mes yeux, vient justement de ses doutes et de sa fin pitoyable, alors qu’il ne croit plus à ce qu’il fait et sombre dans la dépression. C’est cela qui me le rend crédible. Avec lui, jamais il n’est question du sexe des enfants. Certes parce qu’il apparaît singulièrement pudique. Mais pas seulement : l’enfant est un tout et parler en adulte de l’amour des enfants, c’est déjà leur passer sur le corps. Korczak n’a pas ce discours ; il est tout en nuances. Il reconnaît qu’on est ordinairement « plus sensible à un petit voyou gai qu’à une gamine un peu empotée » ; lorsqu’il en perçoit les effets sur lui, il admet que des enfants ont plus de charme que d’autres, mais il réagit comme n’importe quel être un peu raisonnable qui veut davantage des uns et des autres que les apparences. Face à la tendresse qu’on a vis-à-vis des enfants, il pourrait même sembler bien prude lorsqu’il dit que celles et ceux qui embrassent les leurs satisfont ainsi leur sensualité : « Serions-nous à ce point dépourvus de sens critique que nous prendrions pour de l’amitié les caresses dont nous accablons les enfants ? Ne comprenons-nous donc pas qu’en serrant l’enfant dans nos bras, nous cherchons à nous réfugier dans les siens, pour fuir les heures de souffrance, d’abandon[1] ? »

Mais ce qu’il dénonce, ce n’est pas notre demande par rapport aux enfants, c’est l’inconscience de faire peser notre fardeau de tout son poids sur l’amour, en brutes que nous sommes.

La loi du plus fort, qu’elle soit maternelle, ou juridique, ou pédérastique, demeure la loi.

Korczak dit par ailleurs que si une mère avide des baisers de son enfant n’en conçoit aucun doute sur les émotions qu’elle éprouve, alors qu’elle fasse comme bon lui semble. Ce que réclame Korczak, dans ses rapports avec les êtres, quel que soit leur âge, c’est la droiture.

On ne peut remettre en question toute forme d’éducation sans voir en un être la souveraineté de son désir. Tout son désir sur le monde. La seule question qu’on peut alors lui poser reste celle-ci : fais-je partie de ton monde ?

Je ne veux pas être réductrice par rapport à la sexualité. Elle importe moins qu’on ne dit, plus qu’on ne pense. Je ne suis pas étonnée que ce qu’on a appelé les écoles parallèles ait donné prise à toutes sortes d’agitations journalistico-policières dans les têtes.

  1. Le Droit de l’enfant au respect, op.cit.