Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Personnellement, j’ai une grande aversion pour les libérés ; mais j’aime qu’on se sache enchaîné, qu’on le refuse et qu’on cherche à briser ses entraves. Les enfants, tu le sais, ma fille amie, ne sont pas plus libres dans leur tête que les adultes. Très vite, ils sont moulés dans les plâtres classiques. Ils ont eux aussi à prendre leurs vraies distances par rapport au monde tel qu’il leur fut imposé à la naissance. Comment réapprendre l’amour ? Comment inventer des relations non codifiées ? L’adolescent prend conscience de l’horreur qui l’attend dans la « vie active », mais toute rébellion le jette dans une solitude telle qu’il se console en socialisant à mort dans son groupe à lui, qui, bien entendu, a ses lois, ses colifichets, ses enfermements.

L’amour des pédagogues, parents ou professeurs, pour les enfants n’est guère plus dégagé des carcans. La sinistre Suzanne Ropert déjà trop citée en est lamentable lorsqu’elle évoque ses sombres jalousies. Elle représente la loi, elle le dit mais aussi elle veut être aimée, et exclusivement.

Les pédophiles ne sont ni plus ni moins affranchis que les autres. Ce qui me les rend souvent sympathiques, c’est que pour braver les interdictions, les censures, les contrôles, les humiliations, la prison, il leur faut au moins de la passion.

Cependant, il est assez déplaisant que les soi-disant amants des enfants soient en fait pratiquement toujours des pédérastes. Infiniment peu de petitefillophiles. Les nymphettes dont on parle parfois sont des femmes nubiles mais peu d’amants et d’amantes de gamines tout enfantines. Les petits garçons sont davantage recherchés, c’est clair.

Enfin, « c’est clair »… Façon de parler… Pourquoi le corps des petites filles n’est-il pas habituellement perçu comme désirable ? L’enfant en tant que tel passe pour asexué (n’est sexué que s’il est mâle, of course) et la femme n’est pas supposée avoir de sexualité propre. Enfant et femme : zéro plus zéro égale zéro. La petite fille n’existe pas vraiment. Si l’enfant n’est qu’un futur adulte, la fille impubère est doublement inexistante. On entend dire fréquemment d’un garçon : « Il est beau, cet enfant », d’une fille : « Qu’est-ce qu’elle sera belle, plus tard ! » On trouve ça « tout naturel ». Et j’en devine qui s’exaspèrent, à l’heure où il sied d’avoir « dépassé le féminisme ». (D’accord les branchés, je suis salement démodée : si j’avais voulu ne pas être ridicule, j’aurais scolarisé ma môme depuis belle lurette, voté en 81, été désespérée quand c’était l’époque et « repris le dessus » en 83 en chantant « Vive la crise ! ». Mais je suis lente et lourde ; on s’en sera aperçu.)