Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/155

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Tu sais, ma douce, que j’ai la malencontreuse infirmité de ne pas savoir d’emblée faire la distinction entre un homme et une femme. Je prends pour une femme celle ou celui qui veut qu’on la ou le prenne pour telle, mais à mes yeux simplets le sexe n’est pas une caractéristique à laquelle les êtres seraient réduits. Quand je suis avec un enfant, c’est pareil et cela m’énerve que les pédérastes réduisent un enfant à son membre viril.

Vieille histoire, certes. Vieux malentendu… Socrate parle bien à Phèdre par exemple de la beauté du jeune garçon, mais le discours qu’il tient sur l’amour, le désir, la passion et surtout, je crois, sur la vénération, ce discours n’est pas enfermé dans une homosexualité. La plaisante image des petites ailes qui, en poussant à l’âme, provoquent des démangeaisons comme lorsqu’on fait ses dents correspond à un élan amoureux qui est tout à la fois désir, transformation, émotion. Platon, par la bouche de Socrate, exprime d’ailleurs dans ce dialogue une certaine répugnance pour celui qui « cédant à l’aiguillon du plaisir […] poursuit une volupté contre nature[1] ». L’amour dont il est ici question est au-delà des distinctions entre hommes et femmes ; la brûlure, l’incomparable tourment, la nostalgie violente ( « car jadis l’âme était tout ailes » ) sont vécus dans la racine de l’être ; les mortels et les dieux sont ici égaux ; il n’y a plus, en l’état amoureux, de conditions, qu’elles soient féminine, humaine, enfantine ou divine. L’amour sans conditions, l’amour sans condition, le seul amour.

Il est beau ce passage où Platon écrit encore que l’intimité d’un homme trop raisonnable, « gâtée par une sagesse mortelle », condamne l’âme du triste amant à « cette bassesse que la foule décore du nom de vertu et la fera rouler, privée de raison, autour de la terre et sous la terre pendant neuf mille années ». Aimer raisonnablement est bien criminel en effet… L’amour n’admet pas la petitesse.

Désirer un enfant parce qu’il est un garçon ou désirer une femme parce qu’elle est une femme (et dans ce dernier cas qu’on soit homme hétérosexuel ou femme homosexuelle) relève d’un même préjugé. L’amour est bien parcimonieux qui s’en tient au seul genre. N’avons-nous pas toutes et tous ce désir d’aimer dans le plus grand déploiement de notre vie ?

Que cette longue parenthèse sur la pédérastie et l’amour des petits garçons n’égare personne. Je mets les points sur les i parce que trop de

  1. Phèdre, Platon, XXI, 250d.