Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/189

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des critiques intelligentes au sujet d’A. S. Neill. Celle-ci cependant me semble mal fondée. N’importe quel chercheur, enfant ou adulte, profite des suggestions d’autrui. Il ne s’agit nullement, en évitant d’envoyer un gosse à l’école, de le placer dans un total isolement. À Summerhill en particulier, enfants et adultes vivant ensemble, on voit mal comment on échapperait aux « suggestions » de son entourage. Quelle étrange idée que de considérer les pédagogues non seulement comme capables mais les seuls capables de faire éclore des initiatives enfantines.

Oh bien sûr, les docteurs en sciences de l’éducation se déclarent tout prêts à « laisser se développer l’enfant », mais leur présence « attentive » reste obligatoire. J’ai toujours la même envie de sourire quand je tombe sur cette page où Schmid s’étonne du « dilettantisme excessif » des enfants qu’on n’oblige pas à travailler. Le dilettante est celui qui s’adonne à une activité par plaisir ; admire, chérie, l’incongruité du mot « excessif » et comme il révèle délicieusement le refus de considérer la vie autrement que comme le temps de l’obligation. On a le droit au plaisir, à la liberté, mais point trop n’en faut, grommellent les hommes sensés.

Cette idée traverse les modes qu’un enfant « livré à lui-même » n’est jamais qu’un petit animal. Mauvais procès ! Quand on dit « livré à lui-même », on entend « livré à la jungle ». Mais la question ne se pose pas ainsi. Quand j’écris « à lui-même », je ne sous-entends pas « à la prostitution », « aux employeurs », « aux affameurs » ni « aux autres enfants ». Je dis qu’un enfant s’appartient, qu’il a tous les droits, y compris celui de prendre de l’amour là où ça se passe au mieux pour lui, et celui d’apprendre quand ça lui chante comme apprend n’importe quelle personne, grande ou petite, ravie de faire fonctionner ses méninges. Simplement parce que c’est un plaisir profond et dont on ne se lasse pas.

En refusant de jamais mettre nos enfants à l’école, nous sommes quelques-uns à affirmer, au vu et au su de tous, que nous croyons aux infinies possibilités des êtres lorsqu’on ne les force pas à ingurgiter n’importe quoi.

Que jouent les enfants, qu’ils fassent l’amour et soient amoureux ! Qu’on cesse de les emmerder avec d’insensés apprentissages qu’ils ne réclament pas ! Les gosses ont besoin par-dessus tout qu’on les laisse tranquilles. Parce qu’ils sont malades. Pour paraphraser quelqu’un que j’ai cité ailleurs, je ne laisserai dire à personne que l’enfance est le plus bel âge de la vie. Les petits ont des terreurs fracassantes, de nombreux et très graves soucis, des dépressions. Mon respect pour eux, je l’avoue, vient en grande part de ce que je les trouve très dignes, étonnamment