Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/191

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inculpe d’optimisme (le grand crime d’aujourd’hui), on insinue que nous voulons « protéger l’enfant » des influences de la société et le laisser se déployer « naturellement ».

Or, le plus nigaud d’entre nous (nous, les accusés) a compris quand même que si le petit n’est pas abandonné à sa naissance sur le trottoir, pour être au mieux recueilli par une louve, au pire par l’Assistance publique, il a de fortes chances de vivre dans un milieu familial ou para-familial vraisemblablement socialisé. « L’homme est né libre » mais pas l’enfant.

Quelque sympathique que m’apparaissent souvent les instituteurs de Hambourg, je constate que personne parmi les insoumis que je fréquente n’aurait l’idée d’affirmer comme eux que « l’homme est bon ». Entre eux et nous quelques guerres et quelques révolutions par-ci par-là, mais aussi la psychanalyse et l’informatique qui n’incitent pas à une heureuse confiance en l’homme. Nous n’avons pas trop de raisons d’être contents du monde qui se dessine, mais personne (Rousseau non plus) ne préconise un retour à l’« état de nature » (lorsque l’homme n’est qu’un animal) ni même à l’« état sauvage » qui suit. Et puis Rousseau sait, aussi bien que n’importe qui, que « bon » ou « méchant » n’a de sens que par rapport à la morale donc à la socialité que nous critiquons. Le prétendu « bon » sauvage n’est pas « bon », il est tranquille.

Cependant, il est consternant de voir que ceux qui nous accusent de « rousseauisme », exprimant par là leur mépris pour un philosophe qu’ils trouvent un peu vieux, n’arrivent jamais à dépasser Hobbes : « L’homme est un loup pour l’homme. » Oury n’est pas le seul à défendre cette idée de nécessité d’un pouvoir fort, voire absolu, seul capable d’assurer la sécurité par la force contre les vilains sadiques.

Et toujours, à nous qui refusons les rapports sociaux imposés, on oppose conjointement : « L’homme n’est pas fait pour vivre seul » et : « Les hommes ne peuvent que s’entre-tuer s’ils ne sont pas tenus en laisse. »

Marie, ils sont fatigants, ces gens bornés, n’est-ce pas ? Nous avons choisi de vivre en entrant dans des relations d’individu à individu. Pourquoi y serions-nous méchantes, puisque nous ne les créons que pour notre plaisir ? Petits et grands, si nous voulons jouir de l’existence des autres, nous ne pouvons que travailler à sortir de la gangue des obligations qui nous enveloppe dès la naissance.


Nous n’avons pas si souvent l’occasion de mettre en parallèle Freud et Alexandre Dumas, aussi profitons-nous d’une de leurs constatations