Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/36

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plus large je veux bien parfois imposer à celle-ci. Je lutte ensuite parce que intellectuellement je ne puis admettre l’aberration mentale et sociale de sa quelconque définition. Ce serpent qui se mord la queue, qui légitime sa force par ses coups (qu’est-ce qu’un coup d’État ?) est une institution n’ayant d’autre finalité qu’elle-même. Je ne veux pas que l’État suce ma moelle. J’ai besoin de toutes mes énergies pour vivre et mourir. Pas seulement. J’ai aussi besoin de toutes les énergies des autres pour pouvoir les aimer, car je ne peux les aimer que dans leur souveraineté.

Chère petite fille, un jour peut-être voudras-tu « servir l’État », cela ne me regarde pas ; au moins ne t’aura-t-il pas prise de force à six ans. Si tu étais un garçon ou s’il était décidé de rendre le service militaire obligatoire pour les filles, pareillement tu pourrais compter sur moi pour t’aider par tous les moyens à ne pas y aller. Quand les fils s’insoumettent, pourquoi si peu de parents accueillent-ils les gendarmes à coups de fusil ? Avis à la maréchaussée et autres assistantes sociales : si l’État tente contre ton gré de te prendre, je passe à la guerre offensive. Seule ou non.

Mais je ne suis pas seule et Christine et bien d’autres feraient tout comme moi. Nous refusons tout service national, scolaire ou militaire ; d’abord parce qu’il est obligatoire, ensuite seulement parce qu’il est malfaisant. Foucault a fait remarquer que notre État moderne avait gardé la plupart des caractéristiques du régime napoléonien qui est autant l’œuvre de soldats que de juristes. Et l’on peut sans peine concevoir que l’école est l’avant-poste des armées. J’exagère ? Le 11 juillet 1981, le ministre de la Défense, Charles Hernu, s’exprimait ainsi dans Le Monde : « Il faut arriver à l’armée préparé, et préparé par l’école, le lycée et l’université. Il faut une symbiose avec l’Éducation nationale. » Le ministre de l’Éducation nationale l’a-t-il contredit ? Certes non, puisqu’il signe le 23 septembre 1982 un protocole d’accord entre l’Éducation nationale et la Défense. C’est même lui qui dit : « L’École comme l’armée est toujours le reflet d’une société qui attend d’elle beaucoup sur le plan de l’adaptation à l’évolution de la vie sociale comme de la place de notre pays dans le concert des nations […]. L’ouverture de l’école, c’est aussi l’ouverture sur les problèmes et les réalités de la défense […]. C’est l’examen de la place, dans le temps privilégié qu’est le service national, des enseignants et des personnels de l’Éducation nationale au sein de la mission de défense, avec leur richesse et leur devenir d’éducateur. »

Quant au protocole d’accord : « […] La mission de l’Éducation nationale est d’assurer sous la conduite des maîtres et des professeurs une