Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les gens que ce qui leur sera utile à eux, c’est justement ce qui sera utile à la machine appelée « société ». Le plus fort, c’est que l’école inculque l’idée de je ne sais quel « bien commun », persuadant certains qu’ils choisissent leur alvéole par « altruisme » !

« La société, c’est vous. » Si je veux. J’en prends, j’en laisse.

Ce qui est bon pour moi n’est pas bon pour lui, elle ou toi. En revanche, je ne crois guère m’avancer en disant qu’il est bon pour toi, elle ou lui que moi je sois bien dans mes petites bottines. Que nous avons tous intérêt à ce que chacun soit lui-même dans son harmonie, singulier et profond dans son être.

L’enseignement est une affaire personnelle. Tu as le droit le plus absolu d’apprendre ce que tu veux. Plus varié et inattendu sera le savoir des autres et plus fantastique sera toute rencontre. J’ai quelque chose à défendre dans ce qui circule entre les gens, dans cet obscur rapport qui me lie aux hommes vivants et morts.

Certains connaissent de près le prix de la scolarité ; ceux-là m’assurent de leur soutien ; ce sont souvent des éducateurs d’enfants dits caractériels ou déficients, ou encore cette femme qui travaille dans le service de réanimation d’un grand hôpital de la région parisienne et qui est « spécialisée » dans le suicide des enfants : elle sait combien de compositions ratées, de « mots à faire signer par les parents », d’amitiés trop surveillées par des maîtres sadiques mènent des enfants de sept ou dix ans à se jeter par la fenêtre ou du pont des autoroutes, « modalité typique de leur âge » ; à partir de treize ans, on est grand, alors on se suicide comme les grands en se pendant ou en se faisant un petit cocktail pharmaceutique[1]. Ces « accidents regrettables » ne sauraient remettre en cause, etc.

Mais j’en reviens à ces gens qui tous les jours reçoivent les fruits du massacre dans leurs institutions ou anti-institutions.

À Bonneuil, Maud Mannoni accueille des enfants psychotiques. Quand se pose pour un enfant le problème de la scolarité, elle ne saisit pas l’occasion comme d’autres pour « normaliser » : « On peut à ce moment-là, dit-elle, l’inscrire au télé-enseignement et lui procurer l’aide d’un aîné, qui souvent n’a pas vingt ans — car ce qui importe c’est de pouvoir critiquer l’absurdité du programme et des énoncés : c’est bien plus utile que n’importe quelle technique de réadaptation qui ne vient là

  1. Quelques suicides exemplaires causés par l’école dans Les Dossiers noirs du suicide, Denis Langlois, Seuil, 1976.