Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/48

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Toute l’économie du monde est fondée sur la prostitution : on loue notre intelligence ou notre musculature au mois (avec le sexe en sus par des voies à peine détournées). On s’évertue à faire croire que la putain vend un ersatz d’amour et que ce n’est pas joli. Les professeurs, les chercheurs ne vendent-ils pas un ersatz de pensée ? Et il y a des véroles mentales plus infectes que certains chancres.

Acquérir le savoir… Non seulement le môme sait très vite que celui qui est en face de lui est en effet payé pour vendre son savoir, mais très vite on lui apprend à faire la pute : vingt billets s’il baise à la perfection, quinze quand ce n’est vraiment pas mal, onze cinquante quand c’est triste mais honorable, trois billets si c’est minable. Il sait ainsi ce que vaut chaque devoir et, par une supercherie élémentaire, on lui fait gober que c’est ce qu’il vaut, lui.

Cette négation de l’être, Michelet l’a bien vue qui conseille aux élèves de se méfier de la prétendue culture qu’on les engage à acquérir et de se faire une contre-éducation à partir de leur propre vie. Quand je te dis que l’École exalte l’avoir au détriment de l’être, je dis bien que seules les apparences auront une valeur pour elle. On sait à quel point la « présentation » compte dans l’institution scolaire (tant chez les enseignants que chez les élèves). C’est pourquoi les magasins de vêtements font des affaires en septembre, surtout dans les quartiers les plus populaires.

Et ils ont bien raison, les malheureux ! Un gosse miteux ne plaira pas, ne réussira pas, veux-je dire.

Mais j’entends déjà les voix outrées de certains instits : « Ce n’est pas vrai ! J’ai dans ma classe un petit Arabe loqueteux mais qui a l’air si intelligent ! »

Ah oui ? Parlons-en de l’air intelligent des enfants ! Une grande enquête menée par le magazine américain Psychology Today a révélé des résultats pour une fois intéressants. On demandait au tout-venant de juger d’après des photos un certain nombre d’inconnu(e)s selon leur aspect sympathique et intelligent. Les tests dépassèrent de loin ce à quoi on pouvait s’attendre : ont été classés « sympathiques et intelligents » les visages correspondant exactement aux canons « habituellement reconnus » de la beauté : l’échelle des « notes » suivait même rigoureusement la notation imaginée par les chercheurs pour estimer « beauté » et « laideur ». Soyons clairs : on ne dira pas d’une enfant laide qu’elle a l’air intelligent. Au mieux on admettra que « pourtant elle est intelligente ». Quand on dit d’un gosse : « Il a tout pour plaire, il est beau et intelligent », on exprime la plus vieille vérité du monde : que ses attraits lui ont valu qu’on s’intéressât à lui.