privilégiée. Dans la même foulée, ils osent dire que l’école est réellement « la chance des pauvres » ! Autant il m’est parfaitement égal que l’école soit juste ou injuste (l’école, mieux vaut le répéter, car beaucoup ne savent pas lire, ne m’intéresse pas), autant il m’est insupportable de toujours devoir m’affronter à ce mensonge pieusard d’une école qui donnerait à chacun une possibilité de « réussir ».
Un enfant sur deux de cadres supérieurs, admis en sixième en 1972, 1973 ou 1974, est entré en seconde C contre 5,8 % des enfants d’ouvriers et 4,2 % des enfants de salariés agricoles[1].
Et au fur et à mesure que le temps passe, les enchères montent : à la fin de la classe de troisième, 89,9 % des enfants de cadres supérieurs ont été admis dans une classe du second cycle long contre 50,5 % des enfants d’ouvriers et 42,8 % des enfants de salariés agricoles. Et, plus précisément, 52,8 % des gosses de cadres supérieurs passent en seconde C contre 10,9 % des enfants de prolos et 9,6 % de ceux des tâcherons de l’agriculture.
La seconde C ! La classe des gosses intelligents ? Ben tiens, puisqu’on a des picaillons, on a forcément de la cervelle. Être nanti, c’est comme qui dirait génétique. Si, si ! D’ailleurs même les gens de gauche ne sont pas tout à fait sûrs d’eux quand ils parlent d’égalité (et pour cause ! mais ça c’est encore une autre question) et ils s’emmêlent les pinceaux quand on leur assène que « d’après certains savants, il ne fait aucun doute » que les femmes, les Noirs et les pauvres sont bêtes. Inutile d’ajouter que la peu subtile distinction entre gauche et droite s’efface complètement quand on parle des enfants. Eux, chacun le sait, sont naturellement bêtes. « Ne fais pas l’enfant », dit-on à un adulte quand on veut dire « ne fait pas l’idiot. » C’est normal, les enfants sont de petits animaux, c’est ce qui fait leur charme.
Mais n’anticipons pas ; il est bien inutile de faire dire aux statistiques du ministère de l’Éducation nationale plus que ce qu’elles disent ici : « Selon le sexe[2] et l’origine socioprofessionnelle, les différences de comportement socioculturel se manifestant aux phases d’orientation amplifient les écarts entre les groupes […]. Les élèves de nationalité étrangère parvenus en fin de premier cycle accèdent au second cycle long
- ↑ « L’entrée dans le second cycle long des élèves admis en sixième en 1972, 1973 et 1974 », op. cit.
- ↑ Oui, statistiquement, les filles à l’école « réussissent » mieux que les garçons. J’ignore si des études ont été menées sur cette question. Je suppose qu’il y a des chercheurs qui se sont excités là-dessus.