Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/67

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sous deux formes : les classes « laborieuses » ( !) retournent au labeur avec des diplômes qui ne servent à rien sur le marché du travail ou bien perdent leur valeur en un ou deux ans de temps. Or cela est incontestablement plus lamentable qu’avant l’obligation scolaire. Mais, surtout, la fameuse démocratisation prouve aux plus défavorisés qu’on a tout fait pour eux et que s’ils ratent le passage dans le second cycle, c’est qu’il n’y avait rien à tirer de leur minable cerveau. Ils n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes.

Le système éducatif d’aujourd’hui vise à ce que l’échec scolaire soit intériorisé. On ne cesse de seriner aux jeunes qu’ils ne sont pas dignes d’être à l’école. On les humilie tellement, chaque heure et pendant tant d’années ! Qu’on ne vienne pas pleurer sur leur dite agressivité.

Les professeurs s’insurgent : « Ils nous font perdre notre temps ! » (Et le leur ?) Vos enfants ne les intéressent plus… Ceux d’hier étaient plus « doués », mieux élevés en tout cas. On sent bien que les républicains s’énervent ; les démocrates bredouillent qu’ils regrettent, qu’ils n’avaient pas prévu les conséquences, qu’ils feront mieux la prochaine fois.

Les syndicats ouvriers manquent pour le moins d’inspiration. Non seulement ils n’ont jamais fait grève contre l’école, mais encore ils ne proposent même pas leurs services aux familles qui porteraient plainte contre l’Éducation nationale. C’est pourtant assez simple à envisager : imagine qu’un gosse d’ouvrière ait envie d’être chirurgien et qu’il se retrouve bêtement à dix-sept ans en usine. Ça peut arriver, hein ? Imagine que sa mère, ou lui-même, ou sa municipalité ou un syndicat fasse un recours en responsabilité… Ce recours légal permet d’obtenir réparation des dommages causés par l’administration. Le Conseil d’État fonde le droit à la réparation sur le « dommage anormal » et la « rupture de l’égalité devant les charges publiques » que représente ce dommage. Il faut prouver qu’il y a faute et ça, vraiment, ça me semble à la portée du premier venu.

Et puis, avant d’aller aux écoles, on pourrait peut-être apprendre à parler. Ce n’est pas très difficile : il suffit de dire « je ne comprends pas, qu’entendez-vous par là ? » quand quelqu’un utilise devant soi un mot qu’on ne connaît pas. Qu’est-ce qu’on apprendrait de choses et vite si tout le monde faisait ça ! Pour ma part, si on me joue encore l’air de la démocratisation de l’enseignement, je demanderai qu’on m’explique d’abord un peu ce qu’est une démocratie (libérale, populaire, etc. ; les adjectifs pas plus que les noms n’ont ici le moindre soupçon de sens). Gouvernement du peuple par le peuple. D’accord, mais qu’est-ce que le