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trop souvent des magistrats, et même des psychiatres, affirmer que la prison peut être thérapeutique et pédagogique en soi. Cette affirmation est une mauvaise plaisanterie, surtout pour les mineurs. »[1] Le même s’émeut de ce qu’il y ait aux États-Unis beaucoup plus de malades mentaux dans les prisons que dans les hôpitaux psychiatriques et craint que cette dérive n’atteigne nos côtes.

Les experts psychiatres chargés de constater l’abolition ou non du discernement au moment de l’infraction exercent aussi dans les hôpitaux. Ils ne tiennent pas à y recevoir des patients menaçant à chaque instant de se suicider (plus encore que d’agresser le personnel). Ils pèsent de tout leur poids sur les décisions des juges et jurés. La commission d’enquête du Sénat signale que dans la « prison-asile » de Château-Thierry un détenu avait fait l’objet de quatre avis psychiatriques successifs. Quatre avis contradictoires.

Ainsi, au mépris de tout bon sens pour ne pas dire de toute humanité, on condamne à d’interminables peines de prison de grands délirants, des malades qui comparaissent devant le tribunal bourrés de neuroleptiques[2]. Nul doute que si la peine de mort était rétablie, la plupart des juges et jurés n’hésiteraient pas à condamner à mort un malade mental.

L’incarcération des malades mentaux qui eût fait hurler il y a seulement dix ans est tellement entrée dans les mœurs que tout le monde s’imagine que si les fous ou les déséquilibrés sexuels sont enfermés en prison, c’est qu’on les y soigne. Mais Anne-Marie Marchetti[3] prend l’exemple de Rennes : il y a un mi-temps psychiatrique pour 300 à 400 détenues. À peine peut-on parer aux grandes urgences, et encore, quant à soigner…

N’existe-t-il donc rien ? Dans les établissements pénitentiaires, les services médico-psychologiques régionaux déjà mentionnés

  1. Interview parue dans Dedans-Dehors, mars 2001.
  2. Par exemple dans l’affaire Pascal Roux ; ce psychotique, condamné à 21 ans de prison, avait déjà fait cinq séjours en hôpital psychiatrique. Cf. Le Monde du 25 octobre 2001.
  3. Dans Perpétuités, op. cit.