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décréter que tout meurtrier a besoin de se faire traiter. Car il n’est pas humain de tuer son prochain.

Avec l’injonction de soins, on a facilement réglé le problème pour les délinquants sexuels. Dans les pays policés, un homme normal n’a le droit de forcer une femme non consentante que dans certains cas et autorisé par un officier supérieur ou Monsieur le Maire, sinon il ne peut s’agir que d’un individu souffrant de troubles psychiques.

La castration et la lobotomie, quand elles peuvent se passer de chirurgie, ont très bonne presse dans le public. Tant qu’il s’agit de pilules ou de piqûres, on est dans le lisse, le doux, le bénin. L’homme qui prend des neuroleptiques, dans un premier temps, ne l’entend pas de cette oreille car ce n’est manifestement pas le désir sexuel qu’on lui coupe, mais tout désir, et avant tout celui de vivre.

Sa panique face à l’existence de zoophyte qui lui est proposée comme « la » solution ne dure pas. Très vite, son indifférence laquée à tout chagrin, à tout plaisir, à toute rencontre avec ses proches va lui permettre de glisser convenablement dans l’obésité et l’idiotie attendues. Et tout le monde trouve ça bien.

Avant qu’on ne les « soigne », les grands délinquants sexuels ou les meurtriers atypiques passent devant des experts usurpant très souvent avec un formidable aplomb la fonction de juge (il faut bien appeler un chat fourré un chat, même s’il discourt sans hermine). Les diagnostics sont fréquemment des monuments d’ineptie lorsqu’il s’agit d’experts en psychiatrie. Certains magistrats le savent fort bien qui réclament plusieurs contre-expertises. Mais pareille rigueur intellectuelle coûte de l’argent et du temps, autrement dit elle est bien rare.

C’est dans le cas patent d’erreur judiciaire reconnue que le côté grossier de ces bouffonneries pourrait éclater au grand jour. Mais lorsque par miracle un innocent est innocenté, personne n’a la curiosité de revoir ces fameuses expertises qui l’avaient fait scientifiquement condamner.