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Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/135

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Malgré ce petit côté moderne, un procès reste résolument celui qu’imposa l’Inquisition. Laissons les bûchers de côté, ces atrocités n’ont existé qu’à certaines périodes et durèrent plus ou moins longtemps selon les pays. Mais l’Inquisition, c’est d’abord une procédure, celle qui a toujours cours. C’est aussi la manifestation d’une Justice divine et l’affirmation d’une foi. Le spectacle se doit d’être impressionnant. Au moyen âge comme aujourd’hui, le juge absout ou condamne au nom d’une Vérité révélée, celle des Dix commandements et de quelques autres.

Mais comment peut-on s’arranger de l’Inquisition quand on ne croit pas à un Ordre suprême ? Impossible d’échapper à cette question car nous sommes tous jugés. Jugés non conformes (coupables) ou conformes (innocents) mais, de toute façon, jugés.

Ce n’est certes pas le christianisme qui a imposé l’idée de lois sacrées. Chacune des religions antiques ou juive ou hindouiste ou chamaniste ou animiste affirme qu’un ordre céleste régit les lois humaines. Le christianisme, héritier de l’hellénisme, a pris une place toute particulière dans l’histoire des idées en introduisant dans sa théologie la conception d’un Dieu suprêmement raisonnable. C’est la raison que nous donne Dieu, dit Thomas d’Aquin, qui nous dicte ce qui est bien ou mal et accorde aux dirigeants le discernement nécessaire pour établir des lois justes. Les injonctions de Dieu deviendront au cours des temps celles de la Nature, ce qui ne change pas grand chose pour ce qui est des injonctions.

Est-ce un hasard si les penseurs de la morale et du Droit sont protestants ? Hume, marqué par sa religion d’origine, a su prendre ses distances, mais Hobbes, Locke, Kant et Hegel ont revendiqué leur foi. Sans doute parce que, chez les catholiques, les clercs savent et surtout disent quelle est la conduite à adopter en toute occasion, mais si la conscience individuelle est seule maîtresse de l’interprétation de l’Écriture, alors il faut bien essayer d’asseoir la Loi sur un consensus quelconque, il demeure exclu qu’un acte puisse être une affaire de jugement personnel. La question pour un citoyen n’est pas de savoir où sont le bien et le mal, à plus