Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une énergie supplémentaire aux muscles. On peut obtenir le même résultat par piqûre. Imaginons un homme qui tuerait quelqu’un après avoir à son insu absorbé une forte dose d’adrénaline ou de substance approchante ; on le considérerait comme victime d’une machination et irresponsable de son acte. Mais quand pareille dose — toujours à notre insu — se répand « naturellement » dans notre sang ?

Il existe un cas, hélas courant, où la défense se fonde exclusivement sur l’idée d’un stress de l’accusé. La circonstance est tellement atténuante que le tueur en l’occurrence ne prend qu’un sursis quand il n’est pas relaxé : c’est lorsqu’un policier commet une bavure.[1]

Quand il s’agit d’un accusé ordinaire, il est souvent trop visible qu’il a été le jouet des Parques. Ces dernières années, cela ne revêt plus grande importance car de plus en plus — rançon du succès lors du procès, on juge beaucoup moins les faits que le comportement de l’acteur. Rien ne paraît plus condamnable que l’absence de réaction. Quand ils ne sont pas bourrés de calmants, certains sont tout simplement anéantis par ce qui est arrivé, d’autres effarés par ce qui les attend. On oublie aussi — quelques jours suffisent mais certains ont été enfermés plusieurs années avant le jugement que la prison préventive les a tout simplement pétrifiés par sa violence[2]. Beaucoup d’accusés arrivent à l’audience en état de véritable prostration. Leur apathie pèsera aussi lourd dans le verdict que leur éventuel énervement.

La presse est très friande de moments émouvants et saura gré à l’accusé bon comédien de jouer les émotions sur lesquelles on compte. Or, et c’est parfaitement logique, c’est la presse qui prononce le réquisitoire : c’est elle, bien plus que le procureur, qui représente la Société. Il suffit de regarder les journaux pour savoir quelle sera la peine prononcée.

  1. Par l’euphémisme « bavure », on entend forcément la situation où celui qui est battu à mort ou abattu ne possède aucune arme, sinon il ne saurait s’agir que de légitime défense.
  2. Cf. Perpétuités, op. cit.