Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/148

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quelque chose qui nous déplaît, nous nous en expliquons, mais comment pourrions-nous avoir l’idée de le châtier ? Quand l’enfant a causé du tort à quelqu’un, ses parents essaient avec lui avant toute autre chose de découvrir pourquoi et, avec lui encore, de réparer. Lorsqu’ils se sont laissés emporter par leur irritation, ils demandent au supposé coupable d’essayer à leur tour de les comprendre et de les excuser. C’est la compréhension qui permet d’élever un enfant. Bien peu de gens, quels que soient les niveaux de leur QI ou de leurs revenus, en sont capables.[1]

Lorsqu’on punit, on veut faire expier à quelqu’un sa faute. La douleur infligée au coupable est censée rétablir un équilibre : il faut contrebalancer le crime par une souffrance équivalente. Quelle idée ! À ce compte-là, il serait parfaitement juste de brûler vifs les trois enfants de ce propriétaire qui a mis le feu à un immeuble insalubre où logeaient des familles africaines pour toucher une assurance, faisant mourir six enfants et cinq adultes. Il serait juste de vitrioler cette femme qui a vitriolé sa rivale. Il serait assurément juste de violer l’homme qui a violé.

Ce serait juste mais cruel et imbécile.

Pourquoi librement agirions-nous en scélérats au nom de la Justice ? Nous ne craignons pas de répéter que l’incarcération est une souffrance et pas du tout symbolique mais une douleur exaspérante qui lime les nerfs jusqu’à les détraquer sans rémission. Au XIXe siècle, le sociologue et criminologue Gabriel Tarde n’hésitait pas à dire que la condamnation à perpétuité ce n’était plus « faire mourir sans souffrir mais faire souffrir sans faire mourir ». Il est aberrant de penser qu’un mal compense ou annule un autre mal. Il le multiplie. Il touche le coupable, mais aussi tous ses proches. Mais qu’un petit soit massacré par l’enfermement de sa mère n’émeut personne : « C’est de sa faute à elle, elle n’avait qu’à réfléchir avant ». Le suicide d’un fils de criminel ne compte

  1. Je ne m’appesantirai pas sur un sujet sur lequel j’ai déjà écrit (Insoumission à l’école obligatoire, Bernard Barrault, 1985 et Les Cahiers au feu, Bernard Barrault, 1988). Je rappelle le livre majeur sur cette question : Janusz Korczak, Le droit de l’enfant au respect, Robert Laffont, 1979.