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la violence en utilisant la violence. Il rampe dans le système actuel au moins une hypocrisie, sinon une perversion intrinsèque.

Quand un État démocratique détient un citoyen, il lui fait subir tout ce qu’il considère comme opposé à ses valeurs. Si la liberté individuelle et collective était le bien suprême, la Justice ne s’abaisserait pas à se conduire comme n’importe quel délinquant qui abuse d’autrui. Un tel État affirme aujourd’hui l’impossibilité de respecter quelqu’un qu’on tient en son pouvoir : c’est une défense du crime.

Nous devons le répéter : l’enfermement à la merci de gardiens, les pires humiliations qu’un homme puisse vivre, la séparation d’avec ceux qu’il aime, en un mot la prison, tout cela est une torture. Au long de l’histoire des châtiments, il est bien d’autres supplices du même type ; comme des frottements qui ne sont rien d’autre qu’une gêne dans les premières heures puis causent des blessures tout aussi vives que creusées par un couteau. La prison est un supplice strictement analogue : les suicides, les automutilations, les crises de nerf sont des hurlements de damnés.

Certains jugent donc que l’incarcération est une faute grave, un crime. En 1982 le Comité Quaker de réflexion sur la prison et la justice écrivait : « Le système carcéral est à la fois la cause et la conséquence de la violence et de l’injustice sociale. Tout au long de l’histoire, ce sont les pauvres et les opprimés qui ont constitué la majorité des prisonniers. Nous sommes absolument certains que l’emprisonnement d’êtres humains, comme leur esclavage, est en soi parfaitement immoral et de plus autant destructeur pour ceux qu’on met en cage que pour ceux qui les y mettent. »

C’est aussi pour des raisons principalement éthiques (au moins pour les deux premières) qu’on supprime dans la plupart des pays la peine de mort : parce qu’il y a forcément des erreurs judiciaires sans possibilité de rendre les années de vie arrachées, parce qu’elle flatte le sadisme de beaucoup, parce qu’elle est inutile. Ces trois raisons restent tout aussi valables en ce qui concerne l’incarcération.