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Les politiques populistes, en France et ailleurs, qu’elles soient démocrates ou républicaines, vont dans le sens d’un châtiment grossier, d’une incarcération de plus en plus longue ; la punition se doit d’être tyrannique : dire qu’on choisit l’intolérance (la fameuse tolérance zéro), c’est choisir de gouverner par la menace, la crainte, l’inconséquence. Des dizaines de milliers de gens sont acculés au désespoir, en meurent, en deviennent dingues. Pour de la politique à la petite semaine, sans vision d’ensemble, sans avenir.

Mais, gronde la multitude, vous vous intéressez un peu trop à la souffrance d’individus malveillants, à des voleurs, à des pervers et même à des meurtriers. Ces brutes-là méritent bien un châtiment. Excellent argument puisqu’il a été inlassablement utilisé pendant des siècles pour défendre la torture et la peine de mort. Mais ne pouvons-nous renoncer à notre désir sauvage de rendre œil pour œil et dent pour dent ? Depuis longtemps, sur un mur du XXe arrondissement de Paris, un grand graffiti crie silencieusement « Œil pour œil, on finit par être aveugle ».[1]


Certains sont abolitionnistes pour des raisons d’ordre éthique parce qu’ils estiment mal de faire violence à quelqu’un sous prétexte qu’il a commis une faute. D’autres pensent que la prison est parfaitement irrationnelle. Souvent les deux attitudes sont mêlées. C’est le cas d’un bon nombre qui trouvent aberrant de garder l’incarcération comme instrument de défense des valeurs démocratiques : au nom de la liberté et du respect des Droits de l’homme, on supprime la liberté et le respect du moindre droit des citoyens incarcérés. Personnellement, je me méfie de la démocratie : rien ne me permet de penser qu’une démocratie ne puisse produire autant d’horreurs qu’un système dit totalitaire. Cependant l’argument des militants démocrates est intéressant : on ne peut garantir la vie en donnant la mort, on ne peut défendre la liberté en enfermant des milliers d’individus, on ne peut refuser

  1. Au coin de la rue des Amandiers et de la rue Louis-Nicolas Clérambault.