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Condamner celui qui a transgressé la loi morale, c’est le faire bénéficier du bon discernement de tous, c’est le considérer comme digne de l’exigence humaine la plus haute. Le malfaiteur a rejeté le clan mais le clan, par la punition, manifeste sa louable bonne volonté de voir toujours cet homme comme lui appartenant. Frédéric Gros, commentant Kant écrit : « Punir un homme, c’est rendre justice à cette exigence de justice qu’il porte en lui en tant qu’être raisonnable et moral, quelles que soient les vicissitudes de sa vie particulière… C’est honorer un assassin que de le mettre à mort. On voit jusqu’où mène la politesse. »

Le Russe Alexandre Herzen avait déjà écrit vers 1860 : « Si c’est le droit du criminel, laissez-lui la faculté de le réclamer ; moi je suis d’avis qu’on peut faire donner des coups de bâton à un homme qui en exige lui-même […] Dans la guerre, on est beaucoup plus franc : pour tuer un ennemi, on ne cherche pas à prouver qu’il a mérité la mort. »[1]

Hegel ira plus loin que Kant[2]. Peu importe le contenu des lois car les civilisations comme les hommes font partie d’une histoire qui évolue. Ce qui est absolu, c’est la Loi elle-même, car seul l’État et donc ses institutions garantissent la liberté des individus.

Lui aussi pense que c’est le droit sublime du criminel d’être puni ; la loi doit être respectée et l’on va donc respecter aussi celle du délinquant : en se donnant le droit de voler ou de tuer, il nous donne le droit de le dépouiller ou de le tuer. À condition que ce qui pourrait ici ressembler à une vengeance soit pris en charge par l’État : Hegel sacrifie sans aucun scrupule l’individu parce qu’ainsi l’exige l’universalité.

Dans un premier temps, Hegel tente bien de réconcilier le particulier et l’universel. Grâce au châtiment, le criminel souffre dans sa propre vie ce qu’il a infligé à autrui ; ainsi il connaît et reconnaît la souffrance du monde de laquelle son acte a participé. Le problème, c’est qu’il rejoint là le raisonnement courant de ces

  1. Alexandre Herzen, Passé et méditation, L’Âge d’Homme, 1981.
  2. Cf. Hegel, Principes de la philosophie du Droit, Garnier Flammarion, 1999.