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moins impitoyables que ceux de leurs passions. Quelle est donc la cause de cette bizarre opposition ? C’est que nos préjugés sont anciens et que notre morale est nouvelle. » Voltaire.[1]

L’incarcération, y compris la perpétuité réelle, est donc utile dans certains cas et les humanitaristes ne sont pas hostiles à la construction de nouvelles prisons ( « les détenus auront plus de place » venant se superposer à « les prisons auront plus de places » ).

Leur attachement à la pérennité du système carcéral leur a valu d’être fort contrariés lorsque Michel Foucault (1926-1984) a fait remonter l’enfermement comme châtiment infligé par une cour de justice aux instigateurs des Droits de l’homme.

En 1975, Surveiller et punir fut un événement. Dans l’esprit de beaucoup, les prisons étaient vieilles comme le monde. Les geôles, oui. Mais Foucault a montré que le supplice d’une vie privée de liberté infligé comme peine n’avait que 200 ans.

Les humanitaristes avaient pensé que les Lumières avaient conçu la prison comme une humanisation des châtiments et ils s’inscrivent donc dans cette trajectoire lorsqu’ils luttent pour de meilleures conditions de détention. Mais ils ne peuvent suivre Foucault lorsque celui-ci insiste sur le fait que la prison est d’abord là pour servir un régime quel qu’il soit : « Les mesures punitives ne jouent pas seulement le rôle négatif de répression, mais aussi celui "positif” de légitimer le pouvoir qui édicte les règles. »[2] Quel que soit le pouvoir.


Moralistes légalistes (la peine doit surtout ne servir à rien), sociétaires réalistes (la peine doit être utile à la Société) et humanitaires (la peine doit servir au prisonnier) peuvent tous se réfugier derrière des penseurs qui ont cherché à justifier le châtiment. Nous les avons lus et n’avons été convaincue que d’une chose : ils n’ont cherché, assez grossièrement, qu’à justifier un état de fait.

  1. Romans et Contes. L’homme aux quarante écus, Garnier-Flammarion, 1966.
  2. Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, Tel, 1983.