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Fiers de la Révolution française, ils estiment que la terreur est un dommage parfois nécessaire au cours de l’histoire. Les libéraux humanitaires ont une vision lyrique du monde : ils croient se rappeler, bien à tort, qu’en 1789, après avoir délivré ceux de la Bastille, le peuple parisien avait eu pitié des autres pauvres prisonniers. Michelet, malgré son romantisme, avait précisé pourtant qu’on ne délivra que les détenus pour dettes (comme ceux de la Force dans le quartier du Marais) mais que les gardes ayant fort à faire contre les prisonniers qui se révoltaient, comme à la Conciergerie, firent au contraire appel au peuple en armes qui les seconda et que les révolutionnaires bouclèrent les émeutiers dans leurs cellules.[1]

Les humanitaires affichent souvent ainsi un fond de candide optimisme. Ils ne défendent plus la loi en tant que telle, mais les institutions. Par exemple on les entend évoquer sans cesse l’État de droit ; un État dans lequel les pouvoirs publics sont soumis de manière effective au respect de la légalité par voie de contrôle juridictionnel leur apparaît comme une garantie de justice. Il est intéressant de constater que cette confiance (comparable à celle des automobilistes accrochant au rétroviseur une médaille de saint Christophe « contre les accidents » ) leur permet de ne voir dans les accrocs et accrochages que des vétilles qu’on pourrait assez facilement réguler avec un peu plus de surveillance.

Contrairement à ce qu’affirment trop vite leurs détracteurs, ils ne répugnent nullement à la violence quand c’est pour la bonne cause, c’est-à-dire « contre les ennemis de la liberté ». Ils militent alors pour leur emprisonnement et exigent au nom des droits de l’homme qu’il n’y ait aucun adoucissement de leurs peines ; dans le cas de « crimes contre l’humanité » ou de « crimes contre l’enfance », ils savent assumer pleinement leur désir de vengeance et les humanitaires, comme les sociétaires réalistes, s’inclinent devant les défenseurs du côté sacré de la Justice. « Leurs lois imitent leurs préjugés ; les punitions publiques sont aussi cruelles que les vengeances particulières et les actes de leur raison ne sont guère

  1. Cf. Jules Michelet, Histoire de la Révolution française, Livre I, chapitre VI.