Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/40

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pot de Ripolin au lait bien crémeux. On se récrie, on se lamente, on proteste. Mais on ne punit pas un chat. Quand on ne sait pas ne pas punir un chat, on n’a pas de chat.

Dans tout châtiment il y a violence et quelqu’un qui, dans un pays où existe la peine de mort, la réclame pour son crime et qui y est effectivement condamné n’échappe pas à cette violence, même s’il est consentant. Le propre du châtiment, si minuscule soit-il, est en effet de violer quelqu’un dans sa liberté. On voit bien la différence entre un adulte apprenant une langue étrangère qui dirait « Comment pourrais-je bien éviter de faire cette faute que je commets toujours ? Essayons de copier cent fois la phrase » et la punition dont écope l’élève fautif.

Bien sûr, on entend certains dire fièrement : « Mon père était sévère, j’ai été élevé à la baguette et puni plus souvent qu’à mon tour. C’est grâce à mes parents qui ont su se montrer durs que je suis ce que je suis. » Les pauvres. En général, rien qu’à les voir, on en a pitié. On en connaît d’autres, qui se rengorgent un peu moins, et qui écroulés sur des divans racontent la même enfance, mais pour expliquer leur inquiétude latente, leur honte blême de n’être jamais assez serviles.

Dans les milieux de « protection sociale et infantile » on parle beaucoup de la maltraitance des enfants. On oublie étrangement que les enfants battus sont d’abord des enfants qu’on punit (certes un peu rudement). Toujours pour leur bien.[1]

En dépit qu’on en ait, une gifle ou un coup de poing « qui partent tout seuls » ne sont pas des punitions, mais des gestes de colère ; extrêmement regrettables, ils ne prétendent pas cependant être un châtiment. Celui-ci résultant souvent d’une colère froide se nie comme colère et se veut « acte de justice ». L’idéal chez un enseignant, un parent, un juge, un bourreau voudrait qu’il soit administré sans aucun sentiment, comme mécaniquement ; rappelons-nous les machines à punir de Bentham.

  1. On ne donnera jamais assez les références du beau livre de la psychanalyste Alice Miller, C’est pour ton bien, Aubier, 1984.