Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/41

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Au cœur de toute punition, le plaisir de tenir quelqu’un en son pouvoir, de montrer qui est le plus fort.

« Quel effet ça fait de ne plus avoir le pouvoir ? » demanda aux juges de la cour d’assises l’accusé Georges Courtois tenant à la main les grenades que venait de lui remettre Karim Khalki. C’était les premiers instants où tous deux venaient de prendre en otage le Palais de Justice de Nantes. Courtois s’adressa alors à l’arrogant expert en psychiatrie qui venait de faire sa déposition : « Vous voulez bien nous relire ce que vous venez de nous communiquer ? ». Et l’expert très pâle de perdre toute contenance pendant que le sol se dérobait sous ses pieds.

Car l’expert, avant l’irruption de Khalki armé jusqu’aux dents, faisait le cirque habituel : l’inculpé Courtois n’ayant pas accepté de le recevoir, il avait conclu à la paranoïa et donc à la dangerosité du personnage, appuyant son laïus d’un quart d’heure sur les mots du jargon médico-neurologico-psychiatrique et psychanalytique qui laissent sans voix et sans entendement les juges comme le vulgaire.

D’autres que nous diront un jour, nous l’espérons, l’inadmissible autorité des experts psychiatres dans les tribunaux. Mais ne nous arrêtons ici que sur cette phrase inouïe dans une cour d’assises : « Quel effet ça fait de ne plus avoir le pouvoir ? »

Ah ! La belle ivresse pour les assassins ou les juges que de tenir la vie de quelqu’un entre leurs mains ! À présent qu’en Europe les tribunaux ne peuvent plus prendre la vie entière, ils n’en retranchent plus en France que vingt ou trente ans, visant de plus en plus souvent une perpétuité que l’homme de la rue et celui des champs souhaitent être d’un minimum de trente à quarante années. Il ne fait aucun doute que c’est « faute de mieux » et que la plupart des jurés qui ôtent la moitié de la vie de quelqu’un n’hésiteraient pas une seconde à donner la peine de mort si c’était en ce pays encore ou de nouveau possible. (Si bien que je reste réservée quant aux mouvements bien intentionnés qui tentent de faire pression sur les États-Unis pour qu’ils abandonnent