Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le sont cependant en effet (avec de bonnes ou de mauvaises raisons) ceux qui n’ont pas pitié de leur victime.

La victime des braves gens est condamnée à vivre derrière des barreaux eux-mêmes derrière des murs surmontés de barbelés sous la garde des miradors et l’on ne veut rien savoir de l’atmosphère abjecte de ce monde fermé, de la laideur repoussante qu’il faut supporter minute après minute au long de mois qui semblent des années et d’années qui sont des siècles.

Quand ils peuvent châtier quelqu’un, ceux qui sont psychiquement les plus faibles laissent paraître, en se montrant du côté de la loi (s’exprimât-elle seulement dans une banale convention sociale), un malheureux désir d’être du côté des puissants. On retrouve le même phénomène, inversé, dans les prisons où ce sont les plus fragiles (et les plus plaisants aux yeux de l’administration pénitentiaire) qui estiment normal de devoir « payer ».

Quelle peine leur aurait semblé équitable ? J’ai souvent posé la question à des détenus qui regardaient comme juste d’avoir été jugés coupables, mais injuste la peine de prison qu’ils trouvent tous dégradante (et comme me l’écrivait l’un d’eux à sa libération, après avoir accompli vingt-cinq années : « On peut dire que la taule m’a enfoncé dans la pire merde que j’avais en moi. ») Leurs réponses recoupent tout à fait celles recueillies par Anne-Marie Marchetti[1]. Les moins imaginatifs ne sortent pas de l’idée d’incarcération. Mais ceux qui ont fait plus de vingt années considèrent pratiquement tous que cinq ans de détention est à peu près le pire qu’un être humain puisse endurer sans dommages irréversibles.

D’autres qui expriment pourtant eux aussi le besoin de « payer » trouvent la peine de prison affolante parce que totalement insensée. Ce qui aurait du sens serait à leurs yeux « ce qui servirait à quelque chose ou à quelqu’un ». Je repense à Philippe, condamné à perpétuité à l’âge de 18 ans : « C’est tellement con… À leur place, moi je me serais condamné à des travaux forcés

  1. Dans Perpétuités, op. cit.