Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/49

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genre faire des études par exemple. » J’avais souri. Le plus souvent ils évoquent un service donné dans le cadre d’une œuvre humanitaire et si l’on fait remarquer qu’être condamné à aider entraverait tout élan de générosité, ils gardent néanmoins le fol espoir qu’ainsi ils « se rachèteraient » malgré tout aux yeux des autres (et aux leurs peut-être).

Les femmes infanticides, pratiquement toujours présentées comme des monstres sans entrailles, ont fréquemment ce désir de donner une autre image d’elles-mêmes, elles accepteraient d’expier leur crime en s’occupant toute leur vie — ainsi dit dans leur langage de pauvre — des « orphelins du tiers monde » par exemple, sans doute parce que cela paraît très loin de leur quart monde, ce tiers monde avec des palmiers, des dunes de sable, des mers si bleues. Ailleurs… Le plus loin possible ailleurs.

Celles et ceux parmi les incarcérés qui gardent les pieds sur terre passent aux actes : l’aide humanitaire, il y a de quoi faire dans les prisons… C’est Maxime qui apprend à écrire aux étrangers, c’est Odette qui s’occupe des déprimées (« Quelquefois je les aide juste à faire leur lit… ») ou Lucas qui donne des cours d’informatique.

Je me souviens d’un certain Noël, vers 1985, où ceux de l’atelier de menuiserie avaient fabriqué, en dehors des temps de travail, des jouets pour les enfants démunis de la ville voisine. Le directeur de la centrale refusa de faire acheminer les cadeaux, mû par le souci de ses détenus « qui auraient pu tirer orgueil d’une telle action » ! L’aumônier m’avait alors dit qu’il était persuadé que les surveillants auraient très mal pris un geste « trop valorisant ». Il y aurait beaucoup à dire sur la nécessité pour les gardiens d’apparaître comme ceux qui indéniablement tiennent enfermés des hommes, mais des « hommes inhumains ».