Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/60

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qui n’aimeraient pas du tout avoir l’administration pénitentiaire sur le dos, dans le meilleur des cas, se flattent d’une exceptionnelle indépendance d’esprit en estimant « les torts partagés ». Mais quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, l’affaire est classée sans suite.

Les détenus ne sont pas des enfants de chœur ; dans ce lieu de constante exaspération qu’est une prison, certains « craquent » ; très généralement les coups atteignent les autres détenus. Il faut vraiment « ne plus savoir ce qu’on fait » et être dans un état suicidaire pour s’attaquer à un surveillant. Que celui-ci ameute les collègues, c’est normal. Que pleuvent alors les coups, on peut le comprendre. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Quand je parle de torture, je parle bien d’un châtiment, c’est-à-dire d’une vengeance différée dans le temps et organisée pour faire le plus mal possible à un homme sans défense. Cela se passe généralement au mitard où une demi-douzaine de gardiens en cagoule viennent démolir le récalcitrant avec les méthodes éprouvées dans les commissariats (on a des gants, on sait ne pas fracasser le crâne grâce aux matraques en caoutchouc, on ne touche pas aux parties vitales car seul un béjaune pourrait commettre la bien regrettable erreur de faire éclater un foie).

Ce sont les mêmes « méthodes professionnelles » qui sont employées dans les fameuses haies d’honneur.

Les haies d’honneur sont réservées aux grands moments. Là, on ne descend pas au cachot, on agit en plein jour et les surveillants au cœur sensible qui préfèrent ne pas accompagner au mitard les cravacheurs cette fois ne peuvent se défiler.

À une cinquantaine d’hommes, on se déchaîne l’un après l’autre sur chaque détenu qui doit « passer » parfois nu entre les deux « haies ». Gare à ceux qui portent des lentilles ou ont un pacemaker, gare surtout à ceux qui tombent.

La haie d’honneur est un « châtiment collectif », exercé en général après une mutinerie. Si bien que sa sauvagerie est excusée d’avance, y compris par les médias qui n’y voient qu’un folklore propre à la taule.