Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

On n’a pas attendu les drogues pour saper les fondations d’un homme incarcéré. Dans la petite rubrique que chaque jour Le Monde consacre à un article qu’il a publié cinquante ans plus tôt, on pouvait lire de belles lignes qu’Yves Florenne avait écrites sur une jeune fille qui repassait en procès (peut-être pour une autre affaire) alors qu’elle avait accompli deux ans et demi de prison : il est rare disait l’auteur que les juges, jurés et « simples justes qui assistent d’un cœur léger au jugement » aient eu l’occasion de « revoir leur condamné » : « Dans ce procès, ils l’ont revu. Ils ont vu du même coup comment trente mois de prison changent une fille de vingt ans, affreusement vivante sans doute, mais vivante, en une chose inerte et vide. Il faut croire qu’ils ont trouvé cela bien puisque, après ce court intermède, la condamnée a été renvoyée dans son bagne pour dix-sept ans encore. Au moins sait-on désormais comment elle en sortira. Ce qui est grave, c’est que la peine subie n’est pas la peine infligée […] ; en réalité on condamne cet homme ou cette femme à la destruction intérieure. »

Détruire, arracher la mauvaise herbe, empêcher de nuire les animaux nuisibles, dans l’ensemble la société est entièrement d’accord. À condition toutefois qu’on lui épargne ce que cela signifie dans la chair et l’esprit de celle ou celui qu’on détruit. On pense aux victimes (aux banquiers qui viennent à leur tête, aux policiers, plus rarement aux femmes violées, aux pigeonnés dans des escroqueries diverses), mais comme dit un dicton du Togo : « Qui plaint le petit poussin doit aussi plaindre le vautour ».

Tout concourt à anéantir l’homme emprisonné parce qu’il est séquestré dans un univers sadique. Il est généralement admis que la violence n’est licite que lorsqu’on se trouve en état de légitime défense. Or le procès et la prison sont incontestablement des moments de grande violence et le détenu se retrouve très souvent dans un cas de légitime défense.

À chaque fois qu’un grand criminel est arrêté, je repense à l’incomparable M. le Maudit de Fritz Lang. Les glapissements de la presse, le hallali communautaire ne peuvent que faire basculer