Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/143

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qu’ils ont toujours le sentiment du danger, c’est-à-dire celui d’une influence toute-puissante qui les poursuit, les pénètre et les embrasse toujours et partout. Cette crainte, la crainte de Dieu, diraient les théologiens, est le commencement de la sagesse, c’est-à-dire, de la religion. Mais chez les animaux elle ne devient pas religion, parce qu’il leur manque cette puissance de réflexion, qui fixe le sentiment, en détermine l’objet et le transforme en conscience, en pensée. — On a eu donc raison de prétendre que l’homme est religieux par naturel, il l’est comme tous les autres animaux, — mais lui seul, sur cette terre, a la conscience de sa religion.

La religion, a-t-on dit, est le premier réveil de la raison : oui, mais sous la forme de la déraison. La religion, avons-nous observé tout à l’heure, commence par la crainte. Et en effet l’homme, en se réveillant aux premières lueurs de ce soleil intérieur, que nous appelons la conscience de soi-même, et sortant lentement, pas à pas, de ce demi-sommeil magnétique, de cette existence toute d’instinct qu’il menait, lorsqu’il se trouvait encore à l’état de pure innocence, c’est-à-dire d’animal : — étant d’ailleurs né comme tout animal, dans la crainte de ce monde extérieur, qui le produit et le nourrit, il est vrai, mais qui, en même temps, l’opprime, l’écrase et menace de l’engloutir à toute heure, — l’homme a dû avoir né-