Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sauvés. Ce fut, mythiquement parlant, le premier acte de l’humaine liberté.

Mais l’État, dira-t-on, l’État démocratique, basé sur le libre suffrage de tous les citoyens, ne saurait être la négation de leur liberté ? Et pourquoi pas ? Cela dépendra absolument de la mission et du pouvoir que les citoyens abandonneront à l’État. Un État républicain, basé sur le suffrage universel, pourra être très despotique, plus despotique même que l’État monarchique, lorsque sous le prétexte qu’il représente la volonté de tout le monde, il pèsera sur la volonté et sur le mouvement libre de chacun de ses membres de tout le poids de son pouvoir collectif.

Mais l’État, dira-t-on encore, ne restreint la liberté de ses membres qu’autant seulement qu’elle est portée vers l’injustice, vers le mal. Il les empêche de s’entre-tuer, de se piller et de s’offenser mutuellement, et en général de faire le mal, leur laissant au contraire liberté pleine et entière pour le bien. C’est toujours la même histoire de Barbe-Bleue ou celle du fruit défendu : qu’est-ce que le mal, qu’est-ce que le bien ?

Au point de vue du système que nous examinons, la distinction du bien et du mal n’existait pas avant la conclusion du contrat, alors que chaque individu restait plongé dans l’isolement de sa liberté ou de son droit absolu, n’ayant aucune considération à garder vis-à-vis de tous les autres, que celles que lui con-