Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/192

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séquent aussi la morale de l’humanité tout entière.

Les États modernes sont arrivés précisément à ce point. Le christianisme ne leur sert plus que de prétexte et de phrase, ou de moyen pour tromper les badauds, car ils poursuivent des buts, qui n’ont rien à démêler avec les sentiments religieux ; et les grands hommes d’État de nos jours : les Palmerston, les Mouravieff, les Cavour, les Bismark, les Napoléon riraient beaucoup, si on prenait leurs démonstrations religieuses au sérieux. Ils riraient encore davantage, si on leur prêtait des sentiments, des considérations, des intentions humanitaires, qu’ils ne se font d’ailleurs jamais faute de traiter publiquement de niaiseries. Que reste t-il donc pour leur constituer une morale ? Uniquement l’intérêt de l’État. De ce point de vue, qui d’ailleurs, à très peu d’exceptions près, fut celui des hommes d’État, des hommes forts de tous les temps et de tous les pays, tout ce que sert à la conservation, à la grandeur et à la puissance de l’État, quelque sacrilège que ce soit au point de vue religieux, et quelque révoltant que cela puisse paraître à celui de la morale humaine — c’est le bien, et vice-versa, tout ce qui y est contraire, que ce soit la chose la plus sainte et humainement la plus juste, — c’est le mal. Telle est dans sa vérité la morale et la pratique séculaires de tous les États.

C’est aussi celle de l’État fondé sur la théorie du