Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/221

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peuple a besoin de moi, il ne peut se passer de mes services, tandis que je me suffis à moi-même ; il doit donc m’obéir pour son propre salut et, en daignant lui commander, je fais son bonheur. Il y a de quoi perdre la tête et le cœur aussi et devenir fou d’orgueil, n’est-ce pas ? — C’est ainsi que le pouvoir et l’habitude du commandement deviennent pour les hommes, même les plus intelligents et les plus vertueux, une source d’aberration à la fois intellectuelle et morale.

Toute moralité humaine, — et nous nous efforcerons un peu plus loin de démontrer la vérité absolue de ce principe, dont le développement, l’explication et l’application la plus large constituent le but même de cet écrit, — toute morale collective et individuelle repose essentiellement sur le respect humain. Qu’entendons-nous par respect humain ? C’est la reconnaissance de l’humanité, du droit humain et de l’humaine dignité en tout homme, quelle que soit sa race, sa couleur, le degré de développement de son intelligence et de sa moralité même. Mais si cet homme est stupide, méchant, méprisable, puis-je le respecter ? Sans doute, s’il est tout cela, il m’est impossible de respecter sa vilenie, sa stupidité et sa brutalité ; elles me dégoûtent et m’indignent ; je prendrai contre elles, au besoin, les mesures les plus énergiques, jusqu’à le tuer même s’il ne me reste pas d’autre moyen de défendre contre lui ma vie, mon droit ou ce qui m’est