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Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/270

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l’ensemble constitue précisément la société. C’est l’autel où la liberté réelle et le bien-être des peuples sont immolés à la grandeur politique ; et plus cette immolation est complète, plus l’État est parfait. J’en conclus, et c’est ma conviction, que l’empire de Russie, c’est l’État par excellence, l’État sans rhétorique et sans phrases, l’État le plus parfait en Europe. Tous les États, au contraire, dans lesquels les peuples peuvent encore respirer, sont, au point de vue de l’idéal, des États incomplets, comme toutes les autres Églises, en comparaison de l’Église catholique romaine, sont des Églises manquées.

L’État est une abstraction dévorante de la vie populaire, ai-je dit ; mais pour qu’une abstraction puisse naître, se développer et continuer d’exister dans le monde réel, il faut qu’il y ait un corps collectif réel qui soit intéressé à son existence. Ce ne peut être la grande masse populaire, puisqu’elle en est précisément la victime : ce doit être un corps privilégié, le corps sacerdotal de l’État, la classe gouvernante et possédante, qui est dans l’État ce que la classe sacerdotale de la religion, les prêtres, sont dans l’Église.

Et en effet, que voyons-nous dans toute l’histoire ? L’État a toujours été le patrimoine d’une classe privilégiée quelconque : classe sacerdotale, classe nobiliaire, classe bourgeoise ; — classe bureaucratique à la fin, lorsque, toutes les autres classes s’étant épui-