Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/331

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cerait dans le néant, dans le vide absolu, dans l’abstraction morte, dans Dieu. On peut donc aussi peu demander si la société est un bien ou un mal, qu’il est impossible de demander si la nature, l’être universel, matériel, réel, unique, suprême, absolu, est un bien ou un mal ; c’est plus que tout cela ; c’est un immense fait positif et primitif, antérieur à toute conscience, à toute idée, à toute appréciation intellectuelle et morale, c’est la base même, c’est le monde dans lequel fatalement et plus tard se développe pour nous ce que nous appelons le bien et le mal.

Il n’en est pas ainsi de l’État ; et je n’hésite pas à dire que l’État c’est le mal, mais un mal historiquement nécessaire, aussi nécessaire dans le passé que le sera tôt ou tard son extinction complète, aussi nécessaire que l’ont été la bestialité primitive et les divagations théologiques des hommes. L’État n’est point la société, il n’en est qu’une forme historique aussi brutale qu’abstraite. Il est né historiquement dans tous les pays du mariage de la violence, de la rapine, du pillage, en un mot de la guerre et de la conquête, avec les Dieux créés successivement par la fantaisie théologique des nations. Il a été dès son origine et il reste encore à présent la sanction divine de la force brutale et de l’iniquité triomphante. C’est, dans les pays même les plus démocratiques comme les États-Unis de l’Amérique et la Suisse,