Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/336

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passés. Ce monde ne se présente pas d’abord à l’homme nouvellement né sous sa forme idéale, comme système de représentations et d’idées, comme religion, comme doctrine ; l’enfant serait incapable de le recevoir ni de le concevoir sous cette forme ; mais il s’impose à lui comme un monde de faits incarné et réalisé tant dans les personnes que dans toutes les choses qui l’entourent, en parlant à ses sens par tout ce qu’il entend et ce qu’il voit dès le premier jour de sa vie. Car les idées et les représentations humaines, n’ayant été d’abord rien que les produits des faits réels, tant naturels que sociaux, dans ce sens qu’ils en ont été la réflexion ou la répercussion dans le cerveau humain et la reproduction pour ainsi dire idéale et plus ou moins judicieuse de ces faits par cet organe absolument matériel de la pensée humaine, acquièrent plus tard, après qu’elles se sont bien établies, de la manière que je viens d’expliquer, dans la conscience collective d’une société quelconque, la puissance de devenir à leur tour des causes productives de faits nouveaux, non proprement naturels, mais sociaux. Elles finissent par modifier et par transformer, très lentement il est vrai, l’existence, les habitudes et les institutions humaines, en un mot tous les rapports des hommes dans la société, et par leur incarnation dans les choses les plus journalières de la vie de chacun, elles deviennent sensibles, palpables