Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/344

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plet en lui-même ; donc il n’a besoin de personne, pas même de Dieu, à plus forte raison n’a-t-il pas besoin d’autres hommes. Logiquement il ne devait point supporter l’existence d’un individu égal ou supérieur, aussi immortel et aussi infini, ou plus immortel ou plus infini que lui-même, soit à côté soit au-dessus de lui. Il devrait être le seul homme sur la terre, que dis-je, il devrait pouvoir se dire le seul être, le monde. Car l’infini qui trouve quoi que ce soit en dehors de lui-même, trouve une limite, n’est plus l’infini, et deux infinis qui se rencontrent, s’annulent.

Pourquoi les théologiens et les métaphysiciens, qui se montrent d’ailleurs des logiciens si subtils, ont-ils commis et continuent-ils de commettre cette inconséquence d’admettre l’existence de beaucoup d’hommes également immortels, c’est-à-dire également infinis, et au-dessus d’eux celle d’un Dieu encore plus immortel et plus infini ? Ils y ont été forcés par l’impossibilité absolue de nier l’existence réelle, la mortalité aussi bien que l’indépendance mutuelle des millions d’êtres humains qui ont vécu et qui vivent sur cette terre. C’est un fait dont, malgré toute leur bonne volonté, ils ne peuvent faire abstraction. Logiquement, ils auraient dû en conclure que les âmes ne sont pas immortelles et qu’elles n’ont point d’existence séparée de leurs enveloppes corporelles et mortelles, et qu’en se limitant et se trouvant dans