Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/295

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[1]  Il y en a trois : Le premier, c’est que les paysans sont ignorants, superstitieux et bigots, et qu’ils se laissent diriger par les prêtres. Le second, c’est qu’ils sont dévoués à l’empereur. Le troisième, c’est qu’ils sont des partisans forcenés de la propriété individuelle.

C’est vrai que les paysans français sont parfaitement ignorants. Mais est-ce leur faute ? Est-ce qu’on a jamais songé à leur donner des écoles ? Est-ce une raison de les mépriser et de les maltraiter ? Mais à ce compte, les bourgeois qui sont incontestablement plus savants que les ouvriers, auraient le droit de mépriser ou de maltraiter ces derniers ; et nous connaissons bien des bourgeois qui le disent et qui fondent sur cette supériorité d’instruction leur droit à la domination et qui en déduisent pour les ouvriers le devoir de la subordination. Ce qui fait la grandeur des ouvriers vis-à-vis des bourgeois, ce n’est pas leur instruction qui est petite, c’est l’instinct et la représentation réelle de la justice qui sont incontestablement grands. Mais est-ce que cet instinct de la justice manque aux paysans ? Regardez bien, sous des formes sans doute différentes, vous l’y retrouverez tout entier. Vous trouverez en eux, à côté de leur ignorance, un profond bon sens, une admirable finesse, et cette énergie de travail qui constitue l’honneur et le salut du prolétariat.

Les paysans, dites-vous, sont superstitieux et bigots, et ils se laissent diriger par les prêtres. Leur superstition est le produit de leur ignorance, artificiellement et systématiquement entretenue par tous les gouvernements

  1. Les pages 43-47 du manuscrit Bakounine, avec quelques suppressions, entre autres celle de la page 46 tout entière, ont formé le commencement de la Lettre III (de la p. 93, l. 5, à la p. 98, l. 5, de cette réimpression). — J. G.