Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/317

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vous ne [vous] sauvez pas vous-mêmes, par votre énergie naturelle, vous êtes perdus. Je le répète encore, c’est une position magnifique ; mais pour en profiter, il faut avoir la puissance d’en embrasser tout l’ensemble, et le courage d’en affronter toutes les conséquences. Sa conséquence principale, c’est de vous plonger dans l’anarchie. Eh bien ! vous devez vous dire que l’anarchie, et vous devez vous en faire, votre force, votre arme, vous devez l’organiser en une puissance[1].

Ne craignez pas que les paysans, cessant d’être contenus par l’autorité publique, et par le respect du droit criminel et civil, s’entredévorent. Ils essaieront peut-être de le faire dans le commencement, mais ils ne tarderont pas à se convaincre de l’impossibilité matérielle de persister dans cette voie, et alors ils tâcheront de s’entendre, de transiger et de s’organiser entre eux. Le besoin de |63 manger et de nourrir ses enfants, et par conséquent la nécessité de labourer la terre et de continuer tous les travaux des campagnes, la nécessité de garantir leurs maisons, leurs familles et leur propre vie contre des attaques imprévues, tout cela les forcera indubitablement et bientôt [d’entrer] dans la voie des arrangements mutuels. Et ne croyez pas non plus, que dans ces arrangements amenés en dehors de toute tutelle officielle, par la seule force des choses, les plus forts, les plus riches exercent une influence prédominante. La richesse des riches ne sera plus garantie par les lois, elle cessera donc d’être une puissance. Les paysans riches ne sont puissants aujourd’hui que parce qu’ils sont particulièrement protégés et courtisés par les fonctionnaires de l’État, et parce

  1. Cette phrase incorrecte est textuellement reproduite. — J. G.