Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/394

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impossible, et le paysan de France, non positiviste et rationnel comme M. Gambetta, mais très positif et plein de bon sens, il n’y a rien de commun. Fussent-ils même animés des meilleures dispositions du monde, ils verront échouer toute leur rhétorique littéraire, doctrinaire et avocassière devant le mutisme madré de ces rudes travailleurs des campagnes. Ce n’est pas chose impossible, mais c’est chose très difficile que de passionner les paysans. Pour cela, il faudrait avant tout porter en soi-même cette passion profonde et puissante qui remue les âmes et provoque et produit ce que dans la vie ordinaire, dans l’existence monotone de chaque jour, on appelle des miracles ; des miracles de dévouement, de sacrifice, d’énergie et d’action triomphante. Les hommes de 1792 et de 1793, Danton surtout, avaient cette passion, et avec elle et par elle ils avaient la puissance de ces miracles. Ils avaient le diable au corps, et ils étaient parvenus à mettre le diable au corps à toute la nation ; ou plutôt ils furent eux-mêmes l’expression la plus énergique de la passion qui animait la nation.

Parmi tous les hommes d’aujourd’hui et d’hier qui composent le parti radical bourgeois de la France, avez-vous rencontré ou seulement entendu parler d’un seul, duquel on puisse dire qu’il porte |31 en son cœur quelque chose qui approche au moins quelque peu de cette passion et de cette foi qui ont animé les hommes de la grande révolution ? Il n’y en a pas un seul, n’est-ce pas ? Plus tard je vous exposerai les