Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/409

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paysans ne la sauveraient-ils pas ? D’autant plus qu’ils l’ont déjà sauvée une fois, et cela en 1792.

Écoutez ce que dit à ce sujet le grand historien de la France, Michelet, que certes personne n’accusera d’être un matérialiste immoral[1] :

« Il n’y eut jamais un labour d’octobre comme celui de 91, celui où le laboureur, sérieusement averti par Varennes et par Pillnitz, songea pour la première fois, roula en esprit ses périls, et toutes les conquêtes de la Révolution qu’on voulait lui arracher. Son travail, animé d’une indignation guerrière, était déjà pour lui une campagne en esprit. Il labourait en soldat, imprimait à la charrue le pas militaire, et, touchant ses bêtes d’un plus sévère aiguillon, criait à l’une : « Hue ! la Prusse ! » à l’autre : « Va donc, Autriche ! » Le bœuf marchait comme un cheval, le soc allait âpre et rapide, le noir sillon fumait, plein de souffle et plein de vie.

« C’est que cet homme ne supportait pas patiemment de se voir ainsi troublé dans sa possession récente, dans ce premier moment où la dignité humaine s’était réveillée en lui. Libre et foulant un champ libre, s’il frappait du pied, il sentait sous lui une terre sans droit ni dîme, qui déjà était à lui ou serait à lui demain… Plus de seigneurs ! |43 Tous seigneurs ! Tous rois, chacun sur sa terre, le vieux dicton réalisé : Pauvre homme, en sa maison, Roi est.

  1. Histoire de la Révolution française, par Michelet, tome III. (Note de Bakounine.)