Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/426

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les anciens mots sont restés. On y parle comme toujours de liberté, de justice, de dignité, de droit, de civilisation et d’humanité ; mais le sens de ces mots s’est complètement transformé dans leur bouche, chaque parole signi |49 fiant en réalité tout le contraire de ce qu’elle semble vouloir exprimer : on dirait une société de bandits qui, par une ironie sanglante, ferait usage des plus honnêtes expressions pour discuter les desseins et les actes les plus pervers. N’est-ce pas encore aujourd’hui le caractère de la France impériale ? — Y a-t-il quelque chose |57 de plus dégoûtant, de plus vil, par exemple, que le Sénat impérial, composé, aux termes de la constitution, de toutes les illustrations du pays ? N’est-ce pas, à la connaissance de tout le monde, la maison des invalides de tous les complices du crime, de tous les décembristes repus ? Sait-on quelque chose de plus déshonoré que la justice de l’empire, que tous ces tribunaux et ces magistrats qui ne connaissent d’autre devoir que de soutenir dans toutes les occasions et quand même l’iniquité des créatures de l’empire[1] ? »

Voilà ce qu’au mois de mars, alors que l’empire était encore florissant, écrivait un de mes plus intimes amis[2]. Ce qu’il disait des sénateurs et des juges était également applicable à toute la gent offi-

  1. Les Ours de Berne et l’Ours de Saint-Pétersbourg, complainte patriotique d’un Suisse humilié et désespéré. Neuchâtel, 1870. (Note de Bakounine.) — Voir ci-dessus, p. 22. — J G.
  2. Bakounine lui-même. — J. G.